Interactions Aérodynamiques
Un aspect majeur de la formation du mélange est le transport des espèces réactives. La mesure des vitesses du spray et de la phase gazeuse est donc un problème d'intérêt majeur dans la formation du mélange. La vélocimétrie par imagerie de particules (PIV) a été utilisée pour obtenir les champs de vitesse du gaz environnant, ses caractéristiques turbulentes dans un premier temps et du spray ensuite de façon à déterminer les mécanismes d'entraînement d'air. A terme, l'obtention de champs de vitesse clairement discriminés pour les deux phases mais obtenus de façon simultanée, est un objectif important dans le cadre d'une recherche expérimentale. La mise au point d'une telle technique ouvrira par ailleurs de nouvelles perspectives dans tous les domaines d'étude et d'application des sprays et plus largement d'écoulements mutli-phasiques.
Cette étude fait partie des travaux de doctorat de Ralph Troegger démarrés en 2003, en collaboration avec le prof. Cornell Stan du FTZ de l'université de Zwikau (Allemagne). Elle se poursuit actuellement avec les travaux de doctorat de Renaud Roy, en collaboration avec le groupe PSA. Elle a fait l’objet des publications principales suivantes :
L. Le Moyne, P. Guibert ,R. Roy, B. Jeanne - Fluorescent-PIV Spray/Air interaction analysis of high-pressure gasoline injector, International Conference on fuel and lubricants – Kyoto 2007
Stan C., Troeger R., Stanciu A.,Guibert P., Le Moyne L., Bonnety J.- Air/Spray Interaction under Direct Injection SI Engine Conditions - SAE Paper 05 SFL-187
P. Guibert, L. LeMoyne – Dual Particle Image Velocimetry for transient flow field measurements. Experiments in fluids, 33, 2002, p.355-367.
La Figure 23 montre un exemple des champs de vitesse superposés. La mesure est obtenue après moyennage de mesures du spray et de la phase gazeuse consécutives dans des conditions constantes, la discrimination phase gazeuse/ phase liquide est incomplète. La différence est obtenue en jouant sur la base de temps de la génération des images et de fait la discrimination porte sur les particules rapides (spray) par rapport aux particules lentes (gaz et gouttelettes du spray très fines. L'injecteur utilisé est basé sur une impulsion de pression (coup de bélier) breveté par le FTZ, entre 40 et 50 bars et les liquides étudiés sont le gasoil et l'essence du commerce.
Tous les cas étudiés (différentes pressions d'injection, temps d'injection, pression et température ambiantes) montrent la génération d'un vortex toroïdal d'axe principal confondu avec celui de l'injecteur. Ce vortex, déjà observé par de nombreux auteurs mais pour des injecteurs d'architecture différente (injecteurs à swirl) est le résultat de l'interaction des gouttes avec le gaz environnant et potentiellement une structure clef dans les futurs dispositifs de contrôle de la combustion.
Figure 23: Superposition des champs de vitesse spray et gaz (discrimination incomplète)
La formation de ce vortex s'accompagne de l'apparition d'un écoulement horizontal en direction du spray (Figure 24 ) dans les régions proches de la zone d'atomisation primaire. Bien que l'intensité des vitesses dans ce flux transversal soit très inférieure à celle du jet, il n'est pas impossible que le processus d'atomisation ou du moins de diffusion des gouttes primaires soit influencé par rapport à des configurations où le vortex n'est pas généré. C'est un point sur lequel doivent porter de futures investigations.
Figure 24: Entraînement d'air dans la zone primaire
Un des principaux résultats de cette étude a été de contribuer à déterminer l'influence de différents paramètres sur la position, l'intensité et la durée de vie du vortex. Parmi les principaux paramètres étudiés on peut citer la masse injectée (Figure 25), la pression d'injection, la température et la pression (Figure 26) ambiantes.
Figure 25: Champs de vitesses pour l'air et les gouttes pour différentes masses injectées
Figure 26: Champs de vitesse pour différentes pressions du gaz
Ce vortex se déplace avec le spray le long de l'axe de l'injecteur. Son centre se déplace de façon analogue à la pénétration du spray, lentement lorsque la masse injectée est faible ou la pression enceinte élevée. L'intensité des vitesses dans le vortex augmente avec la masse injectée et l'énergie cinétique introduite par l'injection, elle passe par exemple de 2m/s à 1m/s lorsque le volume injecté passe de 4,2mm3 à 0,9mm3. Le mécanisme de transfert de quantité de mouvement demeure peu compris néanmoins et les relations qui le régissent quantitativement sont indéterminées.
La Figure 27 représente la distribution de l'énergie cinétique volumique :
pour différentes conditions ambiantes. Elle montre clairement que l'énergie cinétique par unité de volume croît lorsque la pression du gaz augmente. Le transfert de quantité de mouvement au gaz est plus efficace.
Figure 27 : Densité d'énergie cinétique de l'air – (rapportée à la masse en haut et au volume en bas) :
Le combustible est introduit avec une énergie cinétique
pratiquement constante lorsque la masse injectée est constante et les conditions de pression d'injection sont maintenues.
Le transfert d'énergie accru à pression environnante élevée entraîne donc une augmentation de l'énergie du gaz mais aussi une diminution de l'énergie du spray. Les effets du transfert sur le mouvement et la répartition des gouttes sont davantage sensibles sur plusieurs mécanismes. La pénétration est plus faible, les gouttes dans la partie supérieure du spray suivent davantage l'écoulement gazeux (vortex) et dans ces régions les vitesses des gouttes peuvent atteindre des niveaux supérieurs à ceux de la tête du spray (Figure 28).
Figure 28 : Distribution des vitesses axiales à 2000µs après le début injection , pression chambre 1.1 MPa
En augmentant la pression d'injection deux effets antagonistes bien connus se manifestent. Dans un premier temps, la vitesse accrue du liquide introduit se traduit par une pénétration plus rapide, mais la diminution de la taille des gouttes consécutive à l'accroissement de l'interaction liquide/gaz, se traduit elle, par une traînée prépondérante et le ralentissement précoce des petites gouttes (donc une pénétration plus faible). Cela a pour effet au niveau du gaz un transfert de quantité de mouvement plus rapide (vitesses plus grandes) et plus intense (plus de gouttes ralenties plus rapidement). La vitesse des gaz dans la zone de recirculation passe de 2m/s à 3m/s lorsque la pression d'injection passe de 4Mpa à 5Mpa (Figure 29).
Figure 29 : Norme des vitesses au voisinage du spray pour deux pressions d'injection
La position du centre du vortex est semblable dans les deux cas même si la pénétration est plus rapide lorsque la pression d'injection augmente. Cette position semble dépendre davantage des conditions ambiantes que de celles de l'injection. A température élevée (473°C) un faible mouvement du centre du vortex vers l'axe de l'injecteur peut être observé, alors que la vitesse de pénétration du spray augmente du fait de la plus faible densité du gaz.
Cette étude a montré les possibilités et les limites d'une exploitation des champs de vitesses spray et air par PIV classique. Elle a permis de saisir un certain nombre de tendances importantes pour la conception de systèmes de combustion futurs, notamment la possibilité d'exploiter le vortex caractéristique des injecteurs générant une nappe conique et l'importance relative de cette structure sous différentes conditions environnantes. Elle a aussi montré la nécessité de réaliser des mesures simultanées de vitesse des phases gazeuse et liquide dispersée pour un traitement statistique fiable des dispersions et des variations de structure qu'elles engendrent.
Dans cette optique, une cellule d’essais a été développée pour tester en atmosphère contrôlée des injecteurs automobiles de dernière génération dans une enceinte sous pression avec accès optiques de 110mm de diamètre permettant une observation aisée des phénomènes d’injection et pouvant monter jusqu’à 60bar de pression.
Une méthode de discrimination des phases a donc aussi été développée, basée sur l'utilisation de deux traceurs fluorescents qui sont dilués, un dans le combustible injecté pour tracer les gouttes et l'autre, dans les particules d'ensemencement pour obtenir la vitesse des gaz. Néanmoins une variante de cette technique combinant fluorescence des gouttes de combustible et diffusion MIE des particules d’ensemencement du gaz a été appliquée dans un premier temps. Elle met donc en jeu deux systèmes PIV avec des longueurs d’onde différentes et deux filtres pour discriminer les particules détectées par chaque caméra. En adaptant le système PIV réglé sur la longueur d’onde correspondant à la diffusion MIE pour l’observation des gouttes de combustible il est possible d’obtenir une information relative locale de la taille des gouttes dans le spray.
Figure 30 : dispositif dual-PIV
La Figure 30 montre le principe du montage permettant la discrimination de deux longueurs d’onde. En pratique de l’iso-octane (2,2,4 tri-methyl-pentane) est utilisé comme combustible et dopé avec du fluoranthene à une concentration de 300mg/l (ou 1.5*10-3 mol/l).
Dans des conditions d’absorption et quenching faible, on peut écrire :
Où SLIF et SMie sont les intensités respectives des signaux LIF et Mie. On considère que le signal LIF est linéairement dépendant du volume et du nombre des gouttes et le signal MIE linéairement dépendant de leur surface et de leur nombre, ce rapport étant connu comme le diamètre moyen de Sauter.
Figure 31 : Images MIE et LIF (pression d’injection 120 bar, pression ambiante 1bar, 500µs après le début de l’injection (unités : mm , échelle de gris arbitraire).
La Figure 31 montre un exemple de réalisation de la technique. Sans calibration des intensités lumineuses avec des gouttes de diamètre connu, l’information obtenue en termes de taille reste relative, mais renseigne de façon assez claire sur les problèmes à prévoir avec l’utilisation des injecteurs dans les conditions testées.
Figure 32 : Images moyennes du champ SMD (pressions d’injection- pression ambiante, en partant du haut : 120-5 bar, 120-1 bar, 80-5 bar, 40-1 bar) unités : mm, échelle de gris arbitraire)
Figure 33 : Profil SMD à 0mm, 18mm et 31mm du nez de l’injecteur (120 -5 bar, 120-1 bar, 80-1 bar, 40-1 bar), échelle arbitraire.
La Figure 32 montre les images moyennes représentant le diamètre moyen de Sauter obtenues pour différents niveaux de pression d’injection et ambiante, et la Figure 33 les profils de SMD sur ces images moyennes. La dissymétrie des profils est due au fait que l’éclairage de la partie arrière du cône du spray vis-à-vis de la direction de la nappe laser n’est pas aussi intense que celui de la partie devant.
En ajustant les paramètres des systèmes PIV pour capter dans le signal LIF les gouttes de combustible et dans le signal MIE les particules d’ensemencement du gaz, il est possible de réaliser des mesures simultanées de vitesse dans le spray et dans le gaz. Mais la différence importante des vitesses du spray et du gaz pour des injections haute pression impose, comme on l’avait déjà vu précédemment, l’utilisation de bases de temps différentes pour chaque système PIV.
Dans l’objectif de caractériser l’entraînement d’air par les sprays dans les chambres de combustion en vue d’un contrôle du mélange par l’injection et la dynamique du spray, il est nécessaire de connaître la relation éventuelle entre un mouvement dans le spray et un mouvement résultant dans l’air. Pour cela, une étude des corrélations entre les vitesses du spray et celle induites dans l’air a été imaginée mais nécessite d’une campagne d’essais très détaillée et de traitements complexes à développer.
Quelques tendances peuvent être néanmoins relevées des essais déjà effectués (voir Figure 35 à Figure 37). Un vortex toroïdal d’intensité faible se développe sur les flancs du jet d’injection. Les vitesses induites dans l’air sont au moins d’un ordre inférieur à celles des gouttes du spray sauf dans une mince zone de mélange interface entre le spray et le gaz où des vitesses gazeuses supérieures doivent exister mais n’ont pas été détectées avec les paramètres actuels (c’est un point à compléter dans le futur). Le principal effet de l’injection semble résider dans l’aspiration d’air à proximité du nez de l’injecteur dans une direction normale à l’axe du spray (effet déjà constaté dans les essais avec injecteur à coup de bélier).
Dans l’état actuel des essais, il semble difficile d’envisager un contrôle efficace de la phase gazeuse par le spray dans des temps compatibles avec le fonctionnement des moteurs.
Figure 35 : Champs de vitesse du spray et du gaz (40 bar pression d’injection - 1 bar pression ambiante, 200 µs après début injection, Dt=300µs, Dt’=295µs)
Figure 36 : Champs de vitesse du spray et du gaz (80 bar pression d’injection - 5 bar pression ambiante, 400 µs après début injection, Dt=250µs, Dt’=72µs)